Le temps des doutes
J'ai la chance de bénéficier pour quelques mois encore d'une certaine sécurité dans mon travail. Je sais que ni demain ni après-demain, je me retrouverai sans revenu. Théoriquement, je n'ai donc pas de préoccupations professionnelles à avoir. Théoriquement, je devrais me contenter de bosser quotidiennement pendant quelques heures, puis me vautrer devant la télé (ou lire un livre, ou jouer avec ma fille, ou sortir faire des promenades), l'esprit libre et le coeur léger, une fois le soir ou la fin de semaine venus. Théoriquement, car en pratique...
En pratique, je suis à mi-temps, et même si mes journées sont bien remplies, je n'ai jamais l'impression d'en faire assez pour les finances de mon foyer. Cela fait donc des mois que je réfléchis à une activité complémentaire. Cela fait aussi des mois que je réfléchis à ce que je veux vraiment faire. Quand on a déjà une petite sécurité financière, c'est plus facile d'être exigeante. J'ai passé sept ans de ma vie à l'université, j'ai des compétences certaines, et même (j'ose le dire) des dons naturels indéniables. Alors non, je n'ai pas envie d'aller occuper un emploi sous-qualifié où faute de me payer moi à hauteur de mon niveau d'études, on se paiera à soi le luxe de me mépriser parce que j'y serai inadaptée.
J'en ai déjà parlé à quelques un(e)s, je vais peut-être monter ma petite entreprise. Enfin, j'espère, parce que j'ai déjà créé une nouvelle adresse mail et un site internet pour. (Mais je ne vais pas vous les donner, ni même vous dire de quoi on cause, parce que c'est loin d'être fini... et que je ne suis toujours pas très sûre de moi !)
J'ai ainsi pu découvrir tout le business autour des sites internet plus ou moins pro. Nom de domaine, protection de la vie privée, version premium, adresse mail professionnelle... et à chaque fois, passage à la caisse ! Je n'ai pas souscrit à toutes ces options, seulement à certaines (je suis radine, et fauchée comme les blés !), mais j'aurais pu. Tout comme j'aurais pu le faire avec mon propre blog.
Je blogue avec plaisir (encore heureux !), mais pas uniquement par plaisir. Je veux dire, il y a dans ma démarche une réelle volonté de me faire ma place dans le milieu. Je m'impose un certain rythme, je réfléchis à des sujets d'articles intéressants, je prends mon (très gros) appareil pendant mes balades pour faire des photos de bonne qualité. Mon blog n'est pas un lieu où je pose mes pensées en vrac (oui, bon, ok, peut-être pour ce billet !), je n'oublie jamais mes lecteurs quand j'écris. J'y consacre plusieurs heures par jour (rédaction d'articles, réponses aux commentaires, commentaires chez les copines...), au risque d'être encore plus absente pour mon mari et ma fille que je ne le suis déjà entre mon boulot et les corvées diverses.
Petite récompense : je peux me considérer comme une maman influente. C'est pas moi qui le dis, c'est Paroles de Mamans, qui m'a invitée aux Efluent Mums cette année (bon ok, ils ne sont pas venus me trouver, je m'étais inscrite, mais j'ai quand même été sélectionnée parmi d'autres et je vais avoir un badge hiiii !). Ça aussi, ça m'interroge beaucoup. J'estime que mon blog a un contenu régulier de qualité, et qu'il aurait été aussi injuste de m'évincer. Et pourtant, je ne pensais pas être retenue : trop petit blog, trop peu de lecteurs réguliers, pas assez de professionnalisme par rapport aux collègues.
Cette question du professionnalisme me turlupine. Je ne serai pas originale en disant que le monde du blog a changé depuis quelques années.
Avant, on se lançait sur une plateforme gratuite et éventuellement, plus tard, on achetait un nom de domaine, on engageait un graphiste, ou on se formait soi-même pour donner à son blog un côté plus léché. En tout dernier lieu, pour permettre à la communauté déjà formée d'échanger, un beau jour, les lecteurs voyaient apparaître le message : "Eh, au fait, je me suis créé une page Facebook !".
Aujourd'hui, les blogs naissent avec un nom de domaine, un graphisme digne d'un professionnel, un Facebook, un Twitter et un Instagram. Ce sont les conditions sine qua non pour être considéré pour un blogueur "sérieux". Finalement, le contenu a une importance secondaire. Ainsi, on peut voir de très beaux blogs, tenus par des gens qui maîtrisent leur Photoshop, leur HTML et leurs hashtags, avec des billets riquiquis, inintéressants et bourrés de fautes.
Niveau investissement de départ, d'après mes calculs, on peut s'en sortir pour moins de 100€ pour un blog qui fait pro (enfin, je crois : je rappelle que je n'ai rien payé pour créer ce blog). Mais investir ne serait-ce que 50€ pour une activité qu'on n'a même pas encore testée et qu'on va peut-être abandonner dans six mois, ça me paraît beaucoup.
Je ne critique pas, attention. Si on veut faire du running et qu'on s'achète de bonnes baskets ainsi qu'un jogging pas trop fout-la-honte à Décathlon, la note est nettement plus salée que si on s'achète un nom de domaine ! Je comprends bien que ça puisse entrer dans un budget loisirs, et que ce soit même un budget loisirs assez limité par rapport à des cours de danse ou à un saut en parachute.
Je ne suis pas non plus terriblement nostalgique d'une époque où le talent d'un blogueur ne se mesurait pas à l'apparence professionnelle de son site. C'est aussi parce qu'il y a eu cette évolution qu'on a aujourd'hui une blogo très élégante, qui est un ravissement de l'oeil à chaque page. Moi aussi je préfère un design Wordpress épuré à un vieux Skyblog avec un fond bariolé de mauvais goût.
C'est juste que je me sens toujours un peu anachronique au milieu de tout ça.
En tout cas, passer par Wordpress pour mon "site pro" m'a un peu décomplexée de mon Canalblog. Moi qui m'imaginais que l'herbe était mille fois plus verte de ce côté-là, je me suis rendu compte que l'herbe y était surtout mille fois plus chère. Aussi curieux que ça puisse paraître, on peut bien moins personnaliser un thème gratuit Wordpress.com qu'un thème basique Canalblog. Et Canalblog offre la possibilité (pour les plus audacieux) d'aller fouiner dans le HTML, ce qui n'est pas le cas du Wordpress gratuit. Alors pour l'instant, en attendant d'avoir peut-être le courage de me lancer dans Wordpress.org (qui est bien moins restrictif... mais payant, bien sûr !), je reste où je suis...
C'est vrai, ce n'est pas pro. Mais enfin, je ne suis pas pro ! Je m'estimerai blogueuse pro quand je vivrai au moins un peu de mon blog. Et j'aime bien l'idée d'une success story "à l'ancienne" : partir de rien et voir grandir son lectorat au fil des années. Pour partir de rien, c'est bon, je suis bonne ! Après, je ne peux pas garantir que je vais durer des années, ni que mon lectorat me suivra, et encore moins qu'il sera de plus en plus nombreux. Mais j'ai envie d'essayer comme ça. Tranquillement.
... Eh, au fait, je me suis créé une page Facebook ! (Soyez sympas, viendez, j'aurai la honte si j'ai pas de followers !) (Promis, je mettrai que des choses intéressantes dessus !) (Pas de lol cats ni rien...) (... enfin, sauf si vous insistez...)