J'ai toujours rêvé d'avoir une famille nombreuse Je ne sais pas pourquoi, c'est comme ça. A l'adolescence, j'annonçais sans rougir que je souhaitais une dizaine d'enfants. Des petits, des grands, plein, partout. Je ne sais pas pourquoi, c'était mon fantasme. Je suis un peu comme ma mère, j'ai une âme de collectionneuse.

Quand j'ai rencontré Papa-chat, j'ai fait un pas vers la raison. J'avais l'homme, cet homme, j'avais une idée plus précise de la vie que je pouvais espérer mener, et clairement, je ne me retrouvais pas dans les émissions où l'on voyait une mère de dix enfants enchaîner les machines et la cuisine toute la journée dans une agitation et un désordre constants. Je me suis dit que quatre, c'était déjà pas mal. Grande famille, mais famille normale. Papa-chat et moi venons tous les deux de fratries de quatre, qui ne nous ont jamais paru spécialement ingérables.

Puis il y a eu Choupie. Choupie et ma grossesse pourrie. Choupie et ses deux premières années très compliquées. J'ai fait une pause dans les bébés. Une longue pause, puisque Choupie a eu 2 ans le mois dernier et que je ne suis toujours pas en train d'essayer de tomber enceinte. Le temps que je m'y mette, le temps que ça marche, le temps que je ponde, Choupie aura sûrement 3 ou 4 ans. Quatre enfants à ce rythme-là, ça nous emmènerait trop loin. Et puis honnêtement, quatre comme ça, je ne sais pas si je m'en remettrais...Trois alors ? Oui trois, pourquoi pas... 

Mais du temps s'est écoulé, et à présent, il y a cette deuxième (ou seconde) grossesse qui se profile, avec la perspective de neuf nouveaux mois d'enfer et de deux nouvelles années très compliquées (malgré toutes les promesses qu'on a pu me faire, non, je n'ai rien oublié !). Et je me dis : "Ok, je vais le faire une seconde fois. Nous ne voulons pas d'enfant unique, nous avons envie d'un second bébé. Mais est-ce que je suis vraiment prête à le refaire deux fois ?"

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(Une réponse possible : oui, on peut le faire... si on se drogue préalablement !)

Et puis, il y a l'aspect pratique, aussi. Deux enfants peuvent dormir dans une même chambre. Trois, c'est plus compliqué. Deux sièges auto peuvent être installés dans nos twingos. Trois, c'est plus compliqué. Deux parrains, ça peut se trouver. Trois, c'est plus compliqué. (Y'a que chez nous que la pénurie de parrains fait rage ?)

Et il y a l'aspect épicurien. Avec trois (ou quatre !) enfants, nous partons pour dix ans de couches presque non-stop. On n'en est même pas encore sortis avec Choupie (des couches, et de tout ce qui va avec : la dépendance des jeunes enfants, les pleurs, les crises, les colères...), alors m'imaginer que je vais ne faire que ça jusqu'à la quarantaine, oui, ça m'effraie un peu. A un moment, j'aimerais qu'on profite un peu égoïstement de notre liberté d'adulte : que je puisse me remettre à lire, à écrire, à voyager, à faire autre chose ! 

Sans compter l'aspect financier. Quoi qu'en disent les gens, il est relativement compliqué de se faire des ovaires en or massif avec les allocations familiales ! L'aide qu'on peut recevoir pour les élever et les faire garder ne rembourse pas tout, loin de là. Avoir un enfant, ça coûte de l'argent. Et de l'argent, on n'en a déjà pas des masses. Alors ne serait-ce pas un pari un peu risqué que d'avoir plus de deux enfants ?

Ça va peut-être paraître égoïste ou lâche, mais (presque) tous les choix que j'ai faits dans ma vie, je les ai faits pour vivre le mieux possible avec le moins d'efforts possible.

Je suis allée à la fac plutôt qu'en prépa parce que c'était plus cool. Je ne veux pas (plus, pour être tout à fait exacte) passer de concours parce que j'estime que c'est un système injuste et excessivement stressant. Je vis en banlieue (dijonnaise, pas parisienne, hein) parce que c'est moins cher. Mais dans une ville parce que j'aime avoir tout ce dont j'ai besoin sous la main. J'habite dans un appart assez grand pour ne pas me sentir oppressée. Mais assez petit pour ne pas me demander trop de ménage. J'ai un métier qui me permet de passer un maximum de temps (bon, tout mon temps, en fait) à la maison et de bénéficier d'une flexibilité formidable.

J'ai un quotidien sympa, et même s'il a des défauts (plein de défauts), je le trouve plutôt pas mal tel qu'il est.

J'ai longtemps cru que mon projet de vie ultime serait d'élever plein d'enfants, que je ne pourrais m'épanouir que dans la maternité. Ce n'est pas si faux.

J'adore le fait de cotoyer plein de mamans et de futures mamans dans mon activité pro. J'ai un blog de maman sur lequel je ne parle que de maternité (ou presque). J'adore serrer ma fille contre moi, la voir grandir, l'entendre rire et la mitrailler avec mon appareil photo toute la journée.

Sans elle, en toute franchise, ma vie ne vaudrait pas la peine d'être vécue. Elle m'a donné une (très bonne) raison de me lever le matin, et depuis qu'elle est là, ma vieille copine la déprime se rappelle bien moins souvent à moi.

Mais voilà, elle est là, j'ai une raison de vivre, et celle-ci ne va croître proportionnellement à mon nombre d'enfants. La raison de vivre, tu l'as ou tu l'as pas. Le bonheur aussi. Par contre, le temps et l'argent, eux, ils sont clairement dépendants du nombre de bouches à nourrir et de fesses à nettoyer.

Peut-être qu'en grandissant (oui, bon, en vieillissant, à ce stade-là), j'ai changé de philosophie. Je n'ai plus envie de m'effacer au profit de mes enfants, de m'épanouir à travers ma marmaille, je veux aussi une vie à moi. Et si possible avant la retraite. (Non parce que je me fais un peu peur, quand je m'entends dire mentalement : "C'est pas grave, on profitera quand on sera vieux...")

J'ai la chance de ne pas avoir de frustration liée au sexe. Au sexe de mon enfant, j'entends (hein, oui, bon, je vous connais). Je voulais une fille, j'ai une fille. On ne me l'enlèvera pas. Que le prochain soit une fille ou un garçon, ça m'est égal. Ça me ferait plaisir d'avoir un petit garçon à moi. Ça me ferait aussi plaisir d'avoir deux petites filles à moi. Je peux vivre, vieillir et mourir en paix en n'ayant eu que des filles, ça ne me dérangerait pas le moins du monde. (Mon souhait un peu secret, ce serait un enfant qui ait des cheveux bouclés, comme moi. Mais si le prochain hérite aussi de la chevelure lisse de son père, je ne pense pas que ça m'empêchera vraiment de dormir.)

D'autant plus que je sais, à présent, qu'un enfant n'est pas un numéro, une belle chose qu'on collectionne, mais un être qui vit, qui marche, qui parle, qui rit, qui crie, qui s'affirme, qui cherche sa place dans le monde et se la fait plus ou moins facilement. Je n'aurai pas deux ou trois ou quatre enfants, j'aurai Choupie-chat, et Mini-chat, et Micro-chat, et Nano-chat (et je serai obligée de m'arrêter là parce que je ne saurai pas comment les appeler après)... Et ça en fera, des individus, sous notre toit, dont il faudra gérer les désirs et les angoisses, avec qui il faudra s'entendre et compter. 

J'ai énormément d'exemples de fratries de deux autour de moi, beaucoup plus que de fratries de trois ou quatre. Il faut croire que c'est le modèle standard en matière de fratrie. Et je n'ai pas l'impression qu'il manque quelque chose dans la vie de ces gens qui n'ont qu'un frère ou une soeur. Moi-même, bien que j'aime beaucoup mes deux soeurs, j'aurais pu me contenter de la première (je m'en suis d'ailleurs contentée pendant plus de sept ans).

Et puis, avec la baisse de la mortalité infantile, c'est quand même le plus logique : deux parents deux enfants. Le but, c'est la survie de l'espèce sur Terre, pas la conquête de tout le système solaire, si ?

Bref, je ne ferme pas la porte (de mon utérus) à un troisième enfant. Peut-être qu'à un moment, on en aura vraiment envie, et je trouverais bête de renoncer à cette envie pour des soucis pratiques. Mais peut-être aussi que ce puissant désir ne viendra jamais, et que notre troisième, il ne servirait qu'à coller à notre fantasme de famille nombreuse. Et ça aussi, ce serait bête.

Ce n'est pas facile, pour moi, de me modérer, de faire comme tout le monde, de dire non à mes lubies. Je suis tout sauf raisonnable, conformiste et pragmatique. Mais je crois qu'en grandissant vieillissant (raaah), j'apprends aussi à faire la part des choses, à distinguer ce que j'ai envie de faire par bravade de ce que j'ai envie de faire parce que ça me plaît vraiment. Et je me rends compte que, parfois, l'option la plus raisonnable et usitée est aussi la meilleure pour moi. On verra si ça se vérifie dans ce cas précis !