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Choupie-chat, Papa-chat, la vie et moi...
22 juillet 2016

L'herbe folle

Cet article, il me tourne dans la tête depuis un moment, mais il n'est pas si facile à écrire. C'est toujours dur de parler d'éducation, et si je considère que certaines éducations ne sont pas pour moi (pour nous), je conçois tout à fait que la mienne ne soit pas du goût de tout le monde. Alors pourquoi en parler ? Oui, je considère que c'est la meilleure pour moi (pour nous), mais pour autant, je ne verrais pas la donner en exemple. Alors quoi, juste dire que ça existe, peut-être ?

Le week-end dernier, nous avons reçu ma belle-soeur et ses filles aînées (et son fils, mais pour simplifier le récit, je ne vais parler que des filles). J'aime beaucoup ma belle-soeur (j'aime beaucoup ma belle-famille en général, oui oui, c'est possible). J'aime aussi beaucoup ses filles aînées. Je connais Papa-chat depuis presque huit ans, et les petites ont 10 ans (elles sont jumelles). Autant dire que je les ai vues sacrément grandir, ces petites ! Mes premières nièces. Je sais que ce sont de petits démons et qu'elles en font sacrément voir à leur maman, mais je les aime bien, c'est comme ça.

Toujours est-il que lors d'une balade au bord de l'eau que nous faisions tous ensemble, j'ai été assez surprise de voir tout ce qu'on leur interdisait. Tremper leurs pieds dans la rivière ("Vous allez glisser"), grimper sur le muret au bord de la rivière ("Vous allez tomber"), courir sur les petits ponts en pierre qui surplombent le ruisseau quasi à sec ("Vous allez vous noyer"), pousser la poussette avec Choupie dedans ("Vous allez la faire tomber")... Elles ont fait tout ça quand même (je vous ai dit que c'étaient de petits démons ?), mais sous le regard inquiet et désapprobateur de leur maman. Je ne dis pas que Choupie, à 2 ans, fait tout ça toute seule avec ma bénédiction... mais pas loin. D'ailleurs, mea culpa, souvent, c'est moi qui leur ai donné le (mauvais) exemple ou la (mauvaise) idée. 

Je ne vais pas critiquer l'éducation que donne ma belle-soeur. J'ai au contraire beaucoup d'admiration pour elle, et je suis la première à être outragée (mais vraiment, un truc épidermique) quand quelqu'un la critique. Elle fait des choses de travers, sûrement, comme tout le monde, mais surtout elle fait ce qu'elle peut, comme tout le monde. Bref, non seulement je ne juge pas, mais en plus je comprends. Quatre enfants et pas des plus faciles, il faut garder un oeil sur eux en permanence et toujours tout anticiper. Mais moi, je ne fonctionne pas comme ça.

Je ne respecte pas de vraie théorie éducative. J'ai des noms, des personnes dont le discours m'a marquée : Rousseau, Montessori (mais pas dans sa version bloguesque, dans sa version IUFM, quand ses théories me paraissaient encore toutes nouvelles et toutes fraîches), Freinet... Le point commun de tous ces penseurs, c'est la notion de liberté, de découverte, d'autonomie. Et c'est pour ça que ça m'a fait bizarre quand dans un blog ami, on a qualifié (sans penser à mal, hein) mon éducation de "protectionniste", en opposition aux "autonomistes".

Le fait est que je suis tout sauf une ayatollah de la sécurité.

Il n'y a pas de barrière à nos escaliers, Choupie les monte et les descend seule depuis qu'elle est capable de le faire (j'insiste sur le "capable" : elle n'a jamais essayé tant qu'elle n'en était pas capable, et il n'y a jamais eu l'ombre de l'éventualité d'un possible accident).

On ne lui tient pas la main sur les trottoirs. Ça choque les vieilles dames qu'on croise, mais elle est parfaitement habituée à cette liberté et sait tout à fait ce qu'elle a le droit de faire ou non, quelles sont les limites. Quand on passe devant quelqu'un, elle ralentit le pas et va se ranger dans mes jambes (ça, c'est surtout son côté sauvage qui parle, j'avoue), quand on doit traverser, elle accepte qu'on lui prenne la main (pour le coup, elle n'a pas le choix, de toute façon).

Elle court dans les parcs toute seule, et on la regarde faire de loin : tant qu'elle reste à portée de vue et qu'elle n'approche pas les endroits dangereux (la route, l'eau, les inconnus louches), c'est bon. Nous n'avons pas de jardin (à mon grand regret), alors il faut bien quand même qu'elle ait la possibilité de se défouler quelque part ! Les enfants qui ne courent jamais dehors, ça me fait penser à ces chiens qui ne connaissent que la laisse... je trouve ça d'une tristesse accablante. 

Dans les ruelles, elle va caresser les chats inconnus, et même les chiens (puisqu'on en parle !) s'ils n'ont pas l'air agressifs. Évidemment, s'ils ont l'air agressifs, je l'en éloigne, je suis pas non plus tarée ! Je connais bien les animaux, j'ai toujours vécu avec eux, et je me fais confiance pour décrypter leurs signaux, même subtils (surtout subtils, d'ailleurs, au moindre doute, je la récupère). 

Je ne crois pas qu'on soit des parents "décomplexés du drame", comme je l'ai lu sur un autre blog (j'avais beaucoup aimé la formule, néanmoins). La possibilité du drame, surtout étant donné mon caractère angoissé, elle existe toujours dans mon esprit. J'ai même une grosse angoisse concernant la mort de ma fille (pas de moi, l'idée de ma mort à moi m'a toujours plutôt indifférée... mais la mort de ma fille, elle, elle me hante). Mais justement, je crois que le drame a un caractère imprévisible, et qu'il est important d'arriver à surmonter cette angoisse diffuse pour permettre à l'enfant de faire des expériences intéressantes.

Bref, j'ai l'air très sûre de moi (comment ne pas l'être après avoir cité Rousseau, Montessori et Freinet comme maîtres à penser ?), mais en vérité, je suis plutôt mal à l'aise quand on m'interroge sur l'éducation que je donne à Choupie. Je ne suis pas sûre de lui donner une bonne éducation, ni même une éducation à proprement parler (c'est paradoxal, n'est-ce pas, quand on tient un blog parental ?). 

Choupie mange régulièrement avec les mains et quitte la table en cours de repas. Elle joue à renverser tous ses jouets et à mettre tous ses livres par terre (c'est son jeu number 1). Elle dit des gros mots (enfin, un gros mot), oublie deux fois sur trois de dire "merci", ne dit jamais "s'il te plaît" (mais elle est encore petite !).

Avec les inconnus, elle est muette et sauvage : il faut une heure pour obtenir un sourire, deux pour obtenir un mot (et c'est rarement "bonjour"). Mais avec nous, elle pousse des cris stridents quand elle est joyeuse, hurle à pleins poumons quand elle est en colère.

Elle est souvent reprise (quoique pas toujours), parfois grondée, jamais punie.

choupie-yaourt

Choupie qui mange toute nue (ayant enlevé ses vêtements) et les cheveux dans les yeux (ayant enlevé ses barrettes) son repas à base de gâteau et de petit suisse (ayant refusé de manger autre chose)...

Je ne crois pas que Choupie soit bien élevée. Pas au sens où on l'entend habituellement, du moins. Et pour autant, je ne me vois pas faire autrement. Pire : je n'ai pas envie de faire autrement.

Est-ce que je vais en faire une antisociale et lui causer de gros soucis d'intégration plus tard ? Je ne pense pas. Je crois que ma fille est intelligente, parfaitement capable de s'approprier les codes sociaux et de les ressortir quand elle en aura besoin. Chez la nounou, elle est la sage de la bande, et on n'a jamais aucune plainte (j'ai bien conscience que "sage" ne veut pas dire "bien élevée", mais du moins elle n'embête personne, et c'est quand même ce qu'on lui demande en priorité, non ?). Son caractère observateur et son intelligence pratique font bien plus que notre éducation effective.

C'est vrai qu'elle n'est pas très obéissante (ça, même la nounou le dit). Mais c'est quoi l'obéissance ? Faire ce qu'on nous demande sans réfléchir, sans y penser, automatiquement ? Je comprends l'intérêt de la chose (en termes de praticité, d'efficacité, de sécurité),et je suis la première à me désoler quand elle "n'écoute rien", mais à la réflexion, ça va plutôt à l'encontre de mes valeurs, qui célèbrent l'intelligence et le libre-arbitre. Je suis finalement plus fière quand je réussis à la convaincre de faire quelque chose (ou de ne pas faire quelque chose) que quand elle le fait parce que je lui ai dit (ou parce que j'ai crié plus fort que d'habitude) (plus réaliste). Et puis des fois, force est de constater qu'elle a raison et que j'ai tort (oui, c'est possible, même de ses 2 ans pas encore et demi face à mes presque 28).

Alors non, je n'ai pas envie de la brider. J'ai envie qu'elle se développe comme elle souhaite se développer. Qu'elle sache se détacher des conventions et des angoisses des autres pas toujours fondées. Qu'elle ait confiance en elle, et en nous. Qu'elle se sente libre d'exprimer qui elle est, pleinement. Et tant pis si on me traite de hippie, de laxiste. Tant pis si on me dit que c'est une sauvageonne, une petite herbe folle. Pour moi, ce sont plutôt des compliments.

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Commentaires
F
Ouf, me voilà rassurée! Nous ne sommes donc pas seuls à ne pas contrôler totalement notre puce de 2 ans! <br /> <br /> La nôtre aussi mange avec les doigts. Elle a encore du mal à bien manipuler la fourchette. Et a besoin de toucher la nourriture.<br /> <br /> Parfois, elle se nourrit de Babybel. Je ne vais pas lui mettre de force ses courgettes dans la bouche. On lui propose cependant toujours de nouveaux aliments. En même temps, si on me propose un aliment que je ne connais pas, j'hésiterais aussi à le manger.<br /> <br /> Elle court sur les trottoirs. Nous n'avons pas de jardins non plus. Mais elle s'arrête à notre demande pour traverser.<br /> <br /> Quand nous sommes en soirée, elle ne se couche pas si elle ne veut pas. Je n'ai pas envie de passer ma soirée à me battre avec elle pour qu'elle reste dans son lit. Je préfère profiter.<br /> <br /> Elle n'a jamais eu de parc (ce qui a sidéré mes parents), je n'en ai jamais vu l'utilité. <br /> <br /> Mon père nous dit qu'elle nous mènera à la baguette. Et je ne comprend pas pourquoi. Je ne suis aucun modèle éducatif. Nous n'avons pas de livre. Juste les précieux conseils de la crèche, qui appliquent plutôt les principes Montessori.<br /> <br /> Mais Lucie est agréable, joyeuse et bien dans sa peau. Elle fait parfois des colères, qui n'en fait pas? <br /> <br /> Mais surtout, nous sommes bien dans notre peau et plus paisibles. Je pense que je serais à cran si je me mettais la pression pour qu'elle soit dans les clous en permanence. Si nous adoptons cette éducation, c'est pour notre bien-être à tous.<br /> <br /> La directrice de la crèche m'a totalement déculpabilisée. Un enfant de 2 ans a besoin de bouger. Besoin d'expérimenter. Besoin de prendre confiance. Il est contre-nature de vouloir d'un petit enfant qu'il soit posé et calme en permanence.<br /> <br /> Je voulais par ailleurs te féliciter pour ton blog. Très agréable à lire, et dans lequel je me retrouve tout à fait.
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L
Je partage aussi ta vision des choses, je suis le genre de maman a laissé bébé faire ses expériences, ne pas lui interdire trop de choses, favoriser un environnement adapté. Je pense que c'est important qu'il y ait des règles, des limites mais je ne me vois pas dire non ou tout interdire à longueur de journée. <br /> <br /> <br /> <br /> J'ai eu une maman assez protectionniste qui avait toujours peur qu'ils nous arrivent quelque chose, du coup il y a beaucoup de choses qu'on avait pas le droit de faire. Alors, certes on était des enfants très sages mais pendant longtemps j'ai manqué d'audace et de confiance en moi et on était des enfants plutôt introvertis. Je ne sais pas si cela a un lien ou non. <br /> <br /> <br /> <br /> Mais je souhaite que bébé puisse s'épanouir et découvrir de lui même, faire ses expériences même si il tombe je pense aussi qu'il apprend en même temps. Bien sûr, on garde toujours un oeil sur lui. Je ne veux pas être une maman trop sévère, trop stricte mais à l'écoute, je vois plus le parent comme un guide, un accompagnateur. J'ai un peu de mal avec l'autorité. Il y a des valeurs que je souhaite transmettre comme le respect des autres mais je crois que les enfants agissent et reproduisent beaucoup par mimétisme alors c'est à nous parents de montrer l'exemple. <br /> <br /> <br /> <br /> Bébé n' a pas encore un an alors je ne sais pas comment on va évoluer dans notre rôle de parents mais déjà je sens le jugement, le regard des autres... Ce que je supporte difficilement, chacun est libre d'éduquer son enfant comme bon lui semble, il y a tellement de chemins et il n'y a pas une vérité. Je suis assez sensible et de nature à éviter le conflit, à garder les choses pour moi mais qu'est que cela m'énerve les réflexions parce que je ne laisse pas mon fils pleurer, parce que je le prend vite dans les bras lorsque je ressens qu'il en a besoin, parce que je l'allaite encore, lorsque je le laisse se déplacer en motricité libre... bref et je ne suis qu'au début. <br /> <br /> <br /> <br /> Pour certains, il faudrait que bébé reste à sa place dans son parc, dans son lit et laisse tranquille ses parents. C'est difficile d'être à l'opposé de certains modes d'éducation, de se sentir jugée dans ses choix et de sentir qu'il n'y a pas de dialogue possible car on a à faire à des personnes qui sont sûres de détenir la vérité. <br /> <br /> <br /> <br /> et j'ai envie de leur dire que ce n'est pas parce qu'on laisse beaucoup de liberté à l'enfant, qu'on s'inspire d'une éducation positive (bienveillante) qu'on est des parents laxistes et qu'on fera des enfants capricieux...
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C
Toujours autant un plaisir de te lire :)<br /> <br /> Je suis globalement d'accord avec toi. Les laisser faire leurs expériences, c'est ce qui leur permet de grandir harmonieusement et les surprotéger est une grosse erreur. Par contre, dans tous les commentaires j'ai l'impression qu'on associe la notion d'obéissance au respect. Je trouve ça un peu réducteur : les petits enfants ne connaissent pas la notion de danger. Et si je veux qu'ils m'obéissent c'est bien pour ça. Quand je dis non (ou stop), c'est non (ou stop). Et je suis intransigeante. Je veux bien expliquer pourquoi mais quand mon fils fonce dans une voiture avec sa trottinette, quand il essaye de mettre sa main dans l'eau bouillante, je ne prends pas 5 min pour lui expliquer pourquoi c'est dangereux... Je lui explique après bien sûr, mais sur le moment, il obéit et un point c'est tout. Et pour ma fille, du haut de ses 17 mois, on rentre déjà dans le même schéma.
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M
Oula ! Désolé pour la rafale !!😳 Je suis dans le train pour aller au boulot et ça ne captait pas bien donc j'ai cliqué plusieurs fois pensant que ça n'était pas parti 🙄
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M
Merci pour ton article et ta sincérité. <br /> <br /> Je rejoins ton avis concernant l'anticipation du danger. J'essaie de rendre ma fille la plus autonome possible et à trop anticiper les chutes, nous risquerions de générer un sentiment d'insécurité. <br /> <br /> Je comprends aussi Die Franzoesin car après quelques séjours à l'hôpital et de nombreuses chutes, il est parfois difficile de s'empêcher d'envisager le pire au risque de leur communiquer notre stress.<br /> <br /> Les rendre autonomes est notre premier boulot. Les laisser découvrir le monde, trouver des solutions aux problèmes qu'ils rencontrent sans leur apporter tout sur un plateau est pour moi essentiel.<br /> <br /> <br /> <br /> Je suis hallucinée de voir certains parents refuser de laisser leur enfant manger seul ou accourir à la première difficulté rencontrée, même si cela part d'un bon sentiment : celui d'aider son enfant au moment où il en a besoin.<br /> <br /> <br /> <br /> Cependant, apprendre à son enfant à être autonome ne veut pas dire, selon moi, qu'il faut le laisser agir à son gré et sans aucune entrave car je pense que l'expérience de la frustration est indispensable à son bon développement psychosocial. Il doit pouvoir composer avec ses émotions et accepter que tous ces désirs ne soient pas assouvis immédiatement.
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Choupie-chat, Papa-chat, la vie et moi...
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