Cet article, il me tourne dans la tête depuis un moment, mais il n'est pas si facile à écrire. C'est toujours dur de parler d'éducation, et si je considère que certaines éducations ne sont pas pour moi (pour nous), je conçois tout à fait que la mienne ne soit pas du goût de tout le monde. Alors pourquoi en parler ? Oui, je considère que c'est la meilleure pour moi (pour nous), mais pour autant, je ne verrais pas la donner en exemple. Alors quoi, juste dire que ça existe, peut-être ?
Le week-end dernier, nous avons reçu ma belle-soeur et ses filles aînées (et son fils, mais pour simplifier le récit, je ne vais parler que des filles). J'aime beaucoup ma belle-soeur (j'aime beaucoup ma belle-famille en général, oui oui, c'est possible). J'aime aussi beaucoup ses filles aînées. Je connais Papa-chat depuis presque huit ans, et les petites ont 10 ans (elles sont jumelles). Autant dire que je les ai vues sacrément grandir, ces petites ! Mes premières nièces. Je sais que ce sont de petits démons et qu'elles en font sacrément voir à leur maman, mais je les aime bien, c'est comme ça.
Toujours est-il que lors d'une balade au bord de l'eau que nous faisions tous ensemble, j'ai été assez surprise de voir tout ce qu'on leur interdisait. Tremper leurs pieds dans la rivière ("Vous allez glisser"), grimper sur le muret au bord de la rivière ("Vous allez tomber"), courir sur les petits ponts en pierre qui surplombent le ruisseau quasi à sec ("Vous allez vous noyer"), pousser la poussette avec Choupie dedans ("Vous allez la faire tomber")... Elles ont fait tout ça quand même (je vous ai dit que c'étaient de petits démons ?), mais sous le regard inquiet et désapprobateur de leur maman. Je ne dis pas que Choupie, à 2 ans, fait tout ça toute seule avec ma bénédiction... mais pas loin. D'ailleurs, mea culpa, souvent, c'est moi qui leur ai donné le (mauvais) exemple ou la (mauvaise) idée.
Je ne vais pas critiquer l'éducation que donne ma belle-soeur. J'ai au contraire beaucoup d'admiration pour elle, et je suis la première à être outragée (mais vraiment, un truc épidermique) quand quelqu'un la critique. Elle fait des choses de travers, sûrement, comme tout le monde, mais surtout elle fait ce qu'elle peut, comme tout le monde. Bref, non seulement je ne juge pas, mais en plus je comprends. Quatre enfants et pas des plus faciles, il faut garder un oeil sur eux en permanence et toujours tout anticiper. Mais moi, je ne fonctionne pas comme ça.
Je ne respecte pas de vraie théorie éducative. J'ai des noms, des personnes dont le discours m'a marquée : Rousseau, Montessori (mais pas dans sa version bloguesque, dans sa version IUFM, quand ses théories me paraissaient encore toutes nouvelles et toutes fraîches), Freinet... Le point commun de tous ces penseurs, c'est la notion de liberté, de découverte, d'autonomie. Et c'est pour ça que ça m'a fait bizarre quand dans un blog ami, on a qualifié (sans penser à mal, hein) mon éducation de "protectionniste", en opposition aux "autonomistes".
Le fait est que je suis tout sauf une ayatollah de la sécurité.
Il n'y a pas de barrière à nos escaliers, Choupie les monte et les descend seule depuis qu'elle est capable de le faire (j'insiste sur le "capable" : elle n'a jamais essayé tant qu'elle n'en était pas capable, et il n'y a jamais eu l'ombre de l'éventualité d'un possible accident).
On ne lui tient pas la main sur les trottoirs. Ça choque les vieilles dames qu'on croise, mais elle est parfaitement habituée à cette liberté et sait tout à fait ce qu'elle a le droit de faire ou non, quelles sont les limites. Quand on passe devant quelqu'un, elle ralentit le pas et va se ranger dans mes jambes (ça, c'est surtout son côté sauvage qui parle, j'avoue), quand on doit traverser, elle accepte qu'on lui prenne la main (pour le coup, elle n'a pas le choix, de toute façon).
Elle court dans les parcs toute seule, et on la regarde faire de loin : tant qu'elle reste à portée de vue et qu'elle n'approche pas les endroits dangereux (la route, l'eau, les inconnus louches), c'est bon. Nous n'avons pas de jardin (à mon grand regret), alors il faut bien quand même qu'elle ait la possibilité de se défouler quelque part ! Les enfants qui ne courent jamais dehors, ça me fait penser à ces chiens qui ne connaissent que la laisse... je trouve ça d'une tristesse accablante.
Dans les ruelles, elle va caresser les chats inconnus, et même les chiens (puisqu'on en parle !) s'ils n'ont pas l'air agressifs. Évidemment, s'ils ont l'air agressifs, je l'en éloigne, je suis pas non plus tarée ! Je connais bien les animaux, j'ai toujours vécu avec eux, et je me fais confiance pour décrypter leurs signaux, même subtils (surtout subtils, d'ailleurs, au moindre doute, je la récupère).
Je ne crois pas qu'on soit des parents "décomplexés du drame", comme je l'ai lu sur un autre blog (j'avais beaucoup aimé la formule, néanmoins). La possibilité du drame, surtout étant donné mon caractère angoissé, elle existe toujours dans mon esprit. J'ai même une grosse angoisse concernant la mort de ma fille (pas de moi, l'idée de ma mort à moi m'a toujours plutôt indifférée... mais la mort de ma fille, elle, elle me hante). Mais justement, je crois que le drame a un caractère imprévisible, et qu'il est important d'arriver à surmonter cette angoisse diffuse pour permettre à l'enfant de faire des expériences intéressantes.
Bref, j'ai l'air très sûre de moi (comment ne pas l'être après avoir cité Rousseau, Montessori et Freinet comme maîtres à penser ?), mais en vérité, je suis plutôt mal à l'aise quand on m'interroge sur l'éducation que je donne à Choupie. Je ne suis pas sûre de lui donner une bonne éducation, ni même une éducation à proprement parler (c'est paradoxal, n'est-ce pas, quand on tient un blog parental ?).
Choupie mange régulièrement avec les mains et quitte la table en cours de repas. Elle joue à renverser tous ses jouets et à mettre tous ses livres par terre (c'est son jeu number 1). Elle dit des gros mots (enfin, un gros mot), oublie deux fois sur trois de dire "merci", ne dit jamais "s'il te plaît" (mais elle est encore petite !).
Avec les inconnus, elle est muette et sauvage : il faut une heure pour obtenir un sourire, deux pour obtenir un mot (et c'est rarement "bonjour"). Mais avec nous, elle pousse des cris stridents quand elle est joyeuse, hurle à pleins poumons quand elle est en colère.
Elle est souvent reprise (quoique pas toujours), parfois grondée, jamais punie.
Choupie qui mange toute nue (ayant enlevé ses vêtements) et les cheveux dans les yeux (ayant enlevé ses barrettes) son repas à base de gâteau et de petit suisse (ayant refusé de manger autre chose)...
Je ne crois pas que Choupie soit bien élevée. Pas au sens où on l'entend habituellement, du moins. Et pour autant, je ne me vois pas faire autrement. Pire : je n'ai pas envie de faire autrement.
Est-ce que je vais en faire une antisociale et lui causer de gros soucis d'intégration plus tard ? Je ne pense pas. Je crois que ma fille est intelligente, parfaitement capable de s'approprier les codes sociaux et de les ressortir quand elle en aura besoin. Chez la nounou, elle est la sage de la bande, et on n'a jamais aucune plainte (j'ai bien conscience que "sage" ne veut pas dire "bien élevée", mais du moins elle n'embête personne, et c'est quand même ce qu'on lui demande en priorité, non ?). Son caractère observateur et son intelligence pratique font bien plus que notre éducation effective.
C'est vrai qu'elle n'est pas très obéissante (ça, même la nounou le dit). Mais c'est quoi l'obéissance ? Faire ce qu'on nous demande sans réfléchir, sans y penser, automatiquement ? Je comprends l'intérêt de la chose (en termes de praticité, d'efficacité, de sécurité),et je suis la première à me désoler quand elle "n'écoute rien", mais à la réflexion, ça va plutôt à l'encontre de mes valeurs, qui célèbrent l'intelligence et le libre-arbitre. Je suis finalement plus fière quand je réussis à la convaincre de faire quelque chose (ou de ne pas faire quelque chose) que quand elle le fait parce que je lui ai dit (ou parce que j'ai crié plus fort que d'habitude) (plus réaliste). Et puis des fois, force est de constater qu'elle a raison et que j'ai tort (oui, c'est possible, même de ses 2 ans pas encore et demi face à mes presque 28).
Alors non, je n'ai pas envie de la brider. J'ai envie qu'elle se développe comme elle souhaite se développer. Qu'elle sache se détacher des conventions et des angoisses des autres pas toujours fondées. Qu'elle ait confiance en elle, et en nous. Qu'elle se sente libre d'exprimer qui elle est, pleinement. Et tant pis si on me traite de hippie, de laxiste. Tant pis si on me dit que c'est une sauvageonne, une petite herbe folle. Pour moi, ce sont plutôt des compliments.
Mais il n'y a aucun souci. Je comprends le fait que tu te sois sentie visée par ma conception tranchée de la chose.
Ton article est très intéressant, et finalement, je te rejoins sur beaucoup de points, sauf sur celui de l'obéissance.
Je pense que leur apprendre à obéir, c'est leur rendre service pour plus tard. No offense. C'est juste mon point de vue
La vie professionnelle et même sociale, dans un sens , est construite sur un rapport hiérarchique, je pense donc qu'il est important de leur apprendre qu'il y a un chef de famille à qui il faut obeir. Un chef bienveillant, mais un chef quand-même.
J'ai pas mal d'élèves, enfants de profs justement, qui sont hyper insolents et qui répondent effrontément. On s'arrache les cheveux avec les autres collègues.
Lorsqu'on convoque les parents, certains nous disent que leur enfant est libre, qu'il n'est pas dansune prison, qu'il a la droit de répondre, de nous répondre.
Je ne suis pas d'accord.
Je pense qu'apprendre à obéir, c'est apprendre à vivre, apprendre à s'épanouir malgré la hiérarchie. C'est apprendre aussi la politesse.
Après, tu vas peut-être me prouver qu'on peut apprendre toutça à un enfant de manière douce, comme tu le fais. Et c'est tant mieux.
Tant que l'enfant devient un adulte heureux et respectueux, c'est que le chemin choisi est le bon.