Cet article, il a longtemps brigué la priorité avec un autre qui aurait dit tout l'inverse (si si, c'est possible), à savoir à quel point c'est facile d'avoir un deuxième bébé. Malgré la contradiction apparente, je ne renonce pas encore à l'écrire, il verra peut-être le jour un peu plus tard. Ce ne sera pas mal de toute façon d'avoir un peu de recul sur le sujet.
Celui-ci parle donc de fragilité psychologique à la naissance du second enfant. De la mienne du moins, je ne prétends pas que c'est universel. Après un mois de cohabitation avec Kitty, il aurait presque pu s'appeler "sur le fil de la dépression post-natale", d'ailleurs, car dans la typologie traditionnelle, le baby blues ne dure que quelques jours. Mais bon, ça faisait un peu tragique de mettre "dépression" dans le titre, et on n'en est quand même pas à ce point.
Il vous surprendra peut-être, puisque je pense que l'impression qui ressort de ma seconde expérience de maternité, c'est la sérénité, l'apaisement, l'épanouissement oserais-je même dire. Mais c'est bien là tout le paradoxe.
Pour cette grossesse et ce bébé, j'avais de grandes aspirations.
Pour Choupie, je partais la fleur au fusil, certaine que la grossesse allait être une aventure magique et mon bébé le plus merveilleux du monde. Oui, j'ai une nature plutôt optimiste (je sais que ça ne se voit pas forcément car je suis extérieurement plutôt cynique, mais je vous assure que j'ai un fond optimiste), et je crois aussi à la pensée performatrice (ce qu'on appelle en somme la méthode Coué : si tu y crois très fort, ça se réalisera). Du coup, je suis franchement tombée de haut quand j'ai vécu une grossesse de l'enfer, suivie de premiers mois de l'enfer avec un BABI insatiable, inconsolable et indécollable.
Pour Kitty, il était hors de question que je revive la même chose. Hors. De. Question. J'avais toujours mon optimisme et ma croyance en la pensée performatrice, mais boostés aux stéroïdes, et exit la fleur au fusil. C'était ça ou rien. Je me suis lancée dans ma seconde maternité comme je serais partie en guerre, mais cette fois-ci, aucune fleur à mon fusil, une baïonnette férocement dardée vers les ennemis fatigue, anxiété, déprime, bébé glue. Ma seconde grossesse serait une grossesse parfaite, mon second bébé serait un bébé parfait, ou ils ne seraient pas, tout simplement. Tomber une nouvelle fois de haut ? Inenvisageable. Alors j'ai tout fait dans ce sens.
Pendant ma grossesse, j'ai continué à bouger, à travailler, à voir du monde, je ne me suis privée de rien (surtout pas de nourriture, ma balance en est témoin), j'ai continué à prendre soin de mon apparence (enfin, autant qu'habituellement, quoi, rien de foufou non plus). J'ai lutté activement contre l'ennui, le laisser-aller et l'isolement. Et pareil quand Kitty est née.
Mon accouchement, je l'ai voulu sans péridurale : ainsi j'en ai contrôlé chaque minute. Je me suis déplacée seule jusqu'à la table d'accouchement, et jusqu'au fauteuil qui me ramenait dans ma chambre. Je suis allée seule aux toilettes quelques minutes plus tard, j'ai même pris très vite une douche pour me débarrasser au maximum du sang qui maculait mon entrejambe. Au matin, j'ai remplacé la blouse d'hôpital par un chemisier à fleurs. Le lendemain, les slips-filet et les protections géantes par des slips en coton et des protections classiques. Le sur-lendemain (qui était donc le jour 2, puisque j'ai accouché à 1h du matin), on me proposait de sortir et j'acceptais avec enthousiasme... sauf que Kitty n'avait pas pris assez de poids, zut !
Je suis rentrée chez moi au matin du troisième jour, et dès l'après-midi, j'ai laissé Kitty à son père et je suis allée voter avec Choupie. J'ai reçu des gens dans une maison propre. Tous les weekends pendant plus d'un mois. Même parfois plusieurs fois par weekend. J'ai continué à gérer Choupie, ma maison, ce blog (tant bien que mal) et mes relations sociales. J'ai continué à me coiffer et m'habiller correctement. Nous ne nous sommes jamais privés de sortir faire un tour avec Kitty. Et depuis la reprise de Papa-chat, je prépare seule mes deux filles (et moi-même) tous les matins pour emmener Choupie chez sa nounou.
Il faut dire que je suis bien aidée : je ne sais pas si c'est de la chance, ma pensée performatrice ou mes efforts conscients pour qu'elle soit détendue et un minimum autonome, mais Kitty est un bébé facile. Elle pleure peu, se calme vite et facilement avec un câlin ou une sucette, accepte d'être posée (parfois), dort plusieurs heures d'affilée dans son lit ou son couffin. En plus elle est belle et elle sent bon.
Tout cela vous semble peut-être naturel, évident, mais c'est en vérité l'exact inverse de ce qu'a été mon expérience avec Choupie (bon elle était belle aussi, par contre en effet elle sentait un peu le fromage). Pour Choupie, j'ai passé le premier mois sous l'eau, débordée, épuisée, n'arrivant plus à me laver (un comble quand tu es sous l'eau, ha ha), à m'habiller, à manger, et évidemment pas à faire le ménage. Le bébé au sein et des hurlements dans les oreilles H24. Tous les jours j'accueillais Papa-chat rentrant du travail avec les larmes aux yeux et un bébé en crise. Je ne suis pas sortie avant plusieurs semaines et ma vie sociale se résumait à une tonne de photos de bébé sur les réseaux sociaux et aux quelques personnes qui venaient me voir (hirsute dans une maison sale, donc). J'en ai un peu parlé ici, de cet avachissement des premiers temps, et je ne voulais surtout pas le revivre.
Globalement, j'ai plutôt réussi mon coup. Tout le monde vous dira que j'ai l'air en forme et que mon bébé a tout d'un bébé de magazine (sauf les cheveux blonds et les yeux bleus, mais je n'y tenais pas spécialement : je voulais une brunette et même ça je l'ai eu). Je semble donc assurer parfaitement et nager en plein bonheur. Je n'ai d'ailleurs pas fait de baby blues. Du tout. Pas même le petit habituel à la maternité. Rien, que dalle, nada. Sauf que.
Sauf que le soir, je m'endors systématiquement devant la télé tellement je suis crevée. Sauf que parfois je zappe de changer et de nourrir Kitty tellement j'ai envie de me coucher. Sauf que je n'ai repris aucune activité sexuelle et que je n'en ai pas la moindre envie. Sauf que si Papa-chat n'est pas là pour me relayer avec les files et faire à manger, je ne petit-déjeune pas le matin, petit-déjeune à midi, et finis donc par me passer de déjeuner. Sauf que j'ai trois semaines de retard dans la lecture de mes blogs préférés (désolée les copines !).
Sauf que, surtout, notre vie de famille actuellement n'a rien de celle de la famille Ingalls. A ceux qui me demandent comment ça se passe pour Choupie, je réponds invariablement la même chose : qu'elle est très gentille, très douce et très attentionnée avec sa soeur, mais qu'on sent tout de même qu'elle est perturbée, parce qu'elle nous sollicite beaucoup plus, fait le double de bêtises (présentement elle est en train de retirer tous les livres de notre bibliothèque...) et crise à la moindre contrariété. Déjà ce n'est pas très famille Ingalls style. Mais le pire, je crois, c'est que je ne suis pas sûre que ce soit Choupie qui soit la plus en cause. Celle qui a le plus perdu son calme, sa patience et sa bienveillance dans l'histoire, c'est moi. Alors forcément, tous les petits conflits se transforment en bras de fer...
Sauf que, surtout, je pleure souvent, je n'arrive pas à réfléchir rationnellement face à un obstacle. Je pleure parce que Choupie est constipée. Je pleure parce que Kitty ne prend pas assez de poids. Je pleure parce que Choupie n'est pas propre à 3 ans (j'insiste sur le mot "propre", car elle est continente, donc à moins qu'il existe un mot pour désigner l'absence de volonté de retirer sa couche...). Je pleure parce que Kitty dort trop. Je pleure parce qu'elle ne veut pas dormir. Je pleure parce que j'ai disputé Choupie pour une broutille. Je pleure parce qu'on est en retard chez la nounou. Je pleure parce que je suis fatiguée et que je ne sais pas quand je le serai moins.
Sauf que, surtout, j'ai ces pensées qui me viennent, ces pensées qui sont clairement des pensées de baby blues, pas des pensées de mère qui assure, qui assume, qui est forte, qui prend sur soi et qui relativise : je fais tout de travers, je ne sais pas m'occuper d'enfants, je ne sais pas éduquer les enfants, je suis en train de leur pourrir leur vie, elles vont finir en thérapie à cause de moi (si elles survivent à l'enfance) (ce qui n'est pas certain), pourquoi j'ai fait un enfant, pourquoi j'ai fait un second enfant, comment peut-on me confier des enfants, comment font les autres (à qui tout réussit, qu'on me dise mes fautes... pardon), etc etc.
Je sais que la déprime, c'est quelque chose auquel je suis sensible. Et je me sens d'autant plus menacée cette fois-ci que ma mère a fait une dépression post-partum à la naissance de ma soeur. Pourtant, nos histoires de maternité ne se ressemblent pas. Enceinte, elle n'avait pas de nausées et beaucoup de contractions, j'avais peu de contractions et beaucoup de nausées. Elle a aimé ses grossesses, je les ai détestées. Ses accouchements ont été épouvantables, les miens se sont tous les deux passés parfaitement. Elle a toujours regretté de ne pas avoir pu faire de quatrième enfant, j'ai juré de m'arrêter à deux malgré les dix bonnes années de fertilité que j'ai encore devant moi. Le jour et la nuit. Et pourtant il y a dans notre famille quelque chose de fort qui lie les femmes entre elles, au-delà de leurs histoires, leurs physiques, leurs caractères, leurs convictions, qui fait qu'il m'est difficilement envisageable de prendre un autre chemin.
Mais je ne l'accepte pas, tout mon corps et mon esprit se battent contre cette idée. Je ne veux pas être cette mère-là, je ne peux plus être cette mère-là. J'ai déjà laissé tomber mon mari (plusieurs fois, y compris cette année), j'ai déjà vécu en apnée pendant plus d'un an... Je n'ai plus le droit à l'erreur, je refuse de me l'accorder... Alors je sèche mes larmes, je relève la tête, j'embrasse mes filles et je repars sur le mode "je suis invincible, deux enfants easy peasy je gère la fougère, je peux tout faire en même temps et la déprime ne passera pas par moi". Sur le fil.
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J'ai commencé à écrire cet article il y a plusieurs semaines, et l'idée a germé dans ma tête depuis pratiquement le tout début de la vie de Kitty (une fois que la musique "Eye of the tiger" qui s'était enclenchée durant mon accouchement s'est dissipée). Je crois que depuis quelques jours ça va mieux : même si je suis toujours très fatiguée, je ne pleure quasi plus et j'ai beaucoup moins d'idées noires. (Par ailleurs mon bébé parfait se déparfaitise un peu en grandissant, mais c'est un autre sujet.) Je me suis donc posé la question de la pertinence de le publier. Peut-être qu'au final, un billet "Wouhou comment c'est facile d'avoir deux enfants" serait plus représentatif de mon état d'esprit actuel. Mais il faudrait que je l'écrive et j'ai la flemme surtout que je suis à la bourre dans mes publications je pense qu'il peut être intéressant de montrer aussi que, contrairement à ce que j'ai énormément entendu (et même approuvé !), ce n'est pas toujours si évident d'être mère pour la deuxième fois. Du fait du premier enfant, dont on doit continuer à s'occuper à peu près normalement (ah bon, on ne peut pas le mettre en colonie de vacances pendant six mois ?), et probablement d'une certaine attente de la société (tu as déjà un enfant, tu sais faire, n'est-ce pas ?), la pression est très forte et on a tendance à intérioriser notre fatigue et nos faiblesses. Ça ne veut pas (toujours) dire qu'elles ne sont pas là, tapies dans l'ombre, prêtes à nous sauter à la gorge à la première occasion. Alors voilà, c'est mon message du jour : mamans de seconds (ou de troisièmes, ou de quatrièmes), vous non plus, ne vous oubliez pas les premiers mois, prenez soin de vous ❤
Pour ce qui est de la dépression, en avoir déjà conscience c'est déjà le traiter quelque peu 😉
Mais franchement, moi je sais que tu roxes du poney !!!